La Flamme et la Fumée Jean Guillaume Hillemacher (1784 - 1867)

La fumée ondoyante, en s’échappant de l’âtre,
A la flamme, sa mère, adressa ce discours :
« D’où vient que l’on me fuit toujours,
Tandis que l’homme opiniâtre,
Aveugle en ses faveurs, de toi semble idolâtre ?
Ne suis-je pas ta fille ? Et quel ingrat destin
Me rend ainsi l’objet d’un injuste dédain?
— Réprime, dit la flamme, un orgueil qui m’offense.
S’il est vrai que de moi tu reçus l’existence,
C’est à tort que tu veux en tirer vanité,
La nature et le sort ont, malgré ta naissance,
Entre ta mère et toi marque la différence.
Vois mon éclat et ton obscurité ,
Compare a mes bienfaits ton inutilité,
Et cesse d’accuser le monde d’injustice.
La vertu ne doit pas servir d’égide au vice.
Ni le talent à l’incapacité. »

La flamme avait raison, et plus d’un nom illustre
De père en fils a vu ternir son premier lustre.
Qu’importent les aïeux dont on est descendu,
Si l’on n’en soutient pas l’antique renommée?
Le flambeau de l’honneur, par eux entretenu,
Chez leurs neveux souvent se dissipe en fumée.

Contes, fables et poésies, 1864




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