Le Rosier enté sur le pêcher Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Enté sur le Pêcher, le Rosier fleurissait
Produisant mainte et mainte rose.
Fier d'avoir opéré cette métamorphose
Le Jardinier s'applaudissait ;
La singularité donnait prix à la chose.
Le Pécher cependant déplorait {on malheur :
Humains ! quelle est donc votre erreur !
Aux fruits de mes rameaux fertiles
Vous préférez des fleurs stériles,
Dont un seul jour voit naître et moissonner l'honneur !
Pour corrompre ma fève et détruire ma force,
Barbares, fallait-il déchirer mon écorce ?
Je devais être un arbre et suis un arbrisseau !
Nourri des larmes de l'Aurore,
Je serai trois matins un prodige nouveau,
Les amours du Zéphyr, le favori de Flore ;
J'aurai fleuri dans le printemps ;
Mais que ferai-je dans l'automne ?
Je tomberai flétri par les cruels Autans,
Sans pouvair obtenir un regard de Pomone !

Que d'illustres Auteurs de riens ingénieux,
En souffrant les mêmes atteintes,
Auraient pu du Pêcher renouveler les plaintes !
Grâce à l'esprit minutieux,
Qui semble de nos jours diriger toutes choses,
O combien de Pêcheurs n'ont produit que des Roses !

Livre III, fable 11




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