Un amateur d'horticulture
Chérissait surtout un rosier,
Dont il surveillait la culture
Avec un soin particulier.
Nourri dans une chaude serre
Au moyen de puissants engrais,
Le rosier à souhait poussait dans une terre
Qu'on avait préparée exprès.
Bientôt, sous la triple influence
Des excitants, de l'eau, de la chaleur,
Notre arbuste se mit en fleur,
Et charma tous les yeux par sa magnificence.
Sa fleur était petite, et faible sa senteur,
Mais il en produisait avec tant d'abondance,
Qu'il présentait vraiment un aspect enchanteur,
Au grand ravissement de notre horticulteur.
Mais on conserve peu le luxe qu'on étale ;
Pour l'arbuste il en fut ainsi,
Et sa précocité lui fut bientôt fatale.
Il avait fleuri vite, il passa vite aussi ;
C'est le destin de toutes choses ;
Et quand vint la saison des roses,
Le rosier épuisé ne produisit plus rien ;
Bien avant la fin de l'année,
Sa feuille jaunie et fanée
Tomba, quand les rosiers partout poussaient très bien.
En éducation aussi bien qu'en culture
Ne forçons jamais la nature ;
Nous n'obtiendrions rien de bon ;
Tout vient de soi dans sa saison.
Demander à l'enfant le travail du jeune homme,
Sur le pommier en fleur c'est demander la pomme ;
De l'ordre universel c'est n'être pas content ;
Dans son impatiente envie,
C'est supprimer un âge de la vie,
L'âge le plus heureux, et l'abréger d'autant.