Deux Enfants cultivaient des fleurs;
Pour les faire plus tôt éclore ,
Lun deux, impatient, prodiguait ses labeurs;
Il fumait, il bêchait et refumait encore;
Aux tiges donnait des tuteurs ,
Du soleil ainsi sur la plante
Concentrant l'ardeur fécondante ;
Chaque jour, à l'aube et le soir,
Il recourrait à l'arrosoir ;
Il fit et refit tant que la plante hâtive
Produisit avant l'heure un précoce bourgeon,
Bien loin de se calmer, a l'aspect du bouton,
La fièvre de l'Enfant ne devint que plus Vive:
Pour cette âme si pétulante
Un jour semble un siècle d'attente ;
L’enfant, empressé de jouir,
Du bouton avec soin écarte la tunique’,
Hélas ! et de la fleur unique,
Avant l'heure propice, aux rayons du soleil
Il démasque, imprudent, le calice vermeil.
Sison bonheur fut éphémère
De le dire il n’est nécessaire ;
Avant le soir venu l’Enfant avait pleuré.
En ses désirs plus modéré,
Sans contrainte aidant la nature,
Son jeune et prudent compagnon
Ne hâta point la floraison
Par tous ces excès de culture ;
Patiemment il attendit
Qu’au jour marqué de Dieu son arbuste fleurit.
Il fit bien ; car les fleurs s'y comptèrent par mille,
Tandis que tristement stérile
L’autre arbuste, hélas ! dépérit.
L’impatience, au but bien loin de tendre,
Le plus souvent n'y parvient point;
Mais le bien qui sait attendre
Presque toujours arrive à point.

Livre III, fable 6


Hydra, 25 Novembre 1852.

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