Voyageuse a travers l'espace
Sur l'aile d'un vent da midi,
Une graine vint prendre place
Dans un sol d'ivraie envahi.
Sous le mépris de ses compagnes
La graine tout @abord germa ;
Puis cette fille des montagnes
Au milieu d'elles se dressa.
— « Que vient faire ici cette intruse ?
Dirent-elles ; étouffons-la !
Mais leur ligue en vains efforts s’use:
La plante croit noble en son port
Et du sein de l'ivraie hostile,
Qui meurt autour de lui stérile,
Un Cèdre avec majesté sort ;
Il s‘élève, il grandit immense;
Il plonge son front dans les cieux ;
Ses pieds de leur vaste puissance
Etreignent les rochers mousseux
Et vont des entrailles du monde
Chercher les sombres profondeurs ;
Vainement la tempête gronde,
Déchainant toutes ses fureurs;
Sur sa base il demeure immuable
Et de cet assaut formidable
Sort encore plus affermi.

Hélas ! trop souvent par l'ivraie
Le cœur de l'homme est envahi,
Trop souvent lame est dévorée ;
Heureux si l'esprit du Seigneur,
Venant a passer, y dépose
Du Cèdre de la foi le germe bienfaiteur ;
Il suffit que le germe éclose !
Sous de vastes rameaux bientôt en notre cœur
Est étouffé tout plan funeste
Et, si plus tard l'arbre céleste
De quelque tempête est battu,
Sur sa base, immobile, il demeure invaincu.

Livre III, fable 7


Ben-Aknoun, 28 Novembre 1853.

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