Le Cèdre et le Lierre Alfred de Montvaillant (1826 - 1906)

Crois-tu, disait le Cèdre immense
Au vieux Lierre qui l'entourait,
Monter dans l'air, dans ta démence,
Comme le roi de la forêt ?

On dirait, élevant ta tête,
En t'attachant à mes rameaux,
Que tu veux atteindre à mon faîte
Où se posent les seuls oiseaux.

Renonce à ce projet frivole :
Pauvre plante, ne sais-tu pas
Que, près de moi, quand l'aigle vole.
Les troupeaux arrêtent leurs pas ?

Quand sur la campagne s'allonge
L'ombre de mon feuillage épais,
Sur l'herbe, le pasteur prolonge,
De son sommeil, la douce paix.

Je protège à mes pieds la source
Contre les ardeurs du soleil ;
Du passant, je suis la ressource :
Tu vois, mon sort est sans pareil.

Pauvre herbe, au sein de la poussière,
Tu te traînes comme un serpent ;
Tu peux te résigner, ô lierre,
A rester sur le sol rampant.

Sans répondre, avec plus de force,
Le lierre étreint ses rameaux verts,
Monte plus haut, suivant l'écorce :
Un jour il frémit dans les airs.

Atteignant la plus haute branche,
Il domine le cèdre altier
Et vers lui sa tige se penche.
Elle semble le défier,

— Cèdre, ne dédaigne personne,
Lui dit le lierre avec douceur,
C'est un conseil que je te donne :
L'orgueil rapetisse un grand cœur.



Soustitre : Il ne faut mépriser personne.

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