Bien plus que le ciel le hasard
Semble ici bas régler les choses, »
Disait Lys superbe a des Roses ;
Tel il en est à votre égard;
Entre les fleurs vous êtes belles
» Et je conviens que nulle elles
N'a plus d'éclat, parfums plus doux ;
» Mais par étrange anomalie
» Le sort, si prodigue envers vous,
Mélant aux faveurs l'ironie,
Vous fait naitre au sein d'un buisson ;
» Vous devez me porter envie;
Ma tige élégante et polie
Comme la votre, à l'’égal du chardon
De piquants n'est point avilie. »
— Nous sommes loin de nous plaindre de Dieu,
Car le sort ici n’a que faire;
Votre tige nous séduit peu
Et nos piquants font bien mieux notre affaire, »
Répondirent les fleurs, » nous en faisons l'aveu ;
Si nous croissons sur une ronce
Du moins la ronce est pour nous un rempart. »
Dun air quelque peu goguenard
Le Lys accueillit la réponse ;
Il riait encor qu'un griffon
Aux Roses vint donner raison.
Du Lys, en se jouant à travers le parterre,
Il brisa la tige légère.
Si le Rosier par contre en fut mieux respecté
Ce fut pour bonne cause.

ha beauté, douce fleur que son doux charme expose
A plus d'un désir éhonté,
A son rempart comme la Rose,
Modestie et timidité
Voila le buisson qu’elle oppose
A la témérité.

Livre III, fable 10


Jardin-d'Essai, 3 Décembre 1853.

Commentaires