Ulysse et les Sirènes Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Les sirènes chantaient, le ciel était paisible,
Par les douces chansons le zéphyr arrêté
Ridait à peine l'eau d'une haleine insensible,
Et le vaisseau d'Ulysse avec tranquillité
Sillonnait la largeur de l'azur enchanté.
Pour braver du concert les perfides merveilles
Il avait, des rameurs, fait boucher les oreilles,
Et seul à son grand mât étroitement lié,
Il écoutait mourir dans l'étendue immense,
Ces voix dont son esprit savourait la cadence,
Comme on goûte un plaisir qui doit être oublié.
Des sirènes déjà décroît le promontoire,
Et les monstres charmants désarmés sans retour,
Se jettent dans la mer, proclament sa victoire
Et suivent la carène avec des chants d'amour.

Lorsqu'on fuit du plaisir la dangereuse entrave,
Lorsqu'on sait le braver, il devient notre esclave ;
Il faut pour en jouir vaincre la volupté.
Ne calomnions pas la femme ;
Elle chérit la grandeur d'âme
Comme nous aimons la beauté.

Livre V, fable 13


Symbole :

Ne jamais subir l’amour. Aimer parce qu’on le doit et parce qu’on le veut. L’amour devient une gloire lorsqu’il n’est jamais une honte. Les joies de l’amour suivent celui qui ne les achète jamais par l’infamie. Préférer son plaisir à son honneur, c’est être un lâche. Or, par la lâcheté on se rend indigne de l’amour même d’une courtisane. La femme méprise l’homme qu’elle avilit, et lorsqu’elle se sent méprisable, elle estime l’homme qui la méprise.


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