Admis à partager et le trône et la couche
D'une jeune divinité,
Ulysse, au fond du cœur toujours sombre et farouche,
Refuse l’immortalité,
Dans son exil, rien ne le touche :
Sur un rivage aimé da ciel,
Que pare et que féconde un printemps éternel,
Tl regrette la pauvre Ithaque ;
Et ses sombres forêts, et ses rocs sourcilleux ;
Laërte, Pénélope, et son fils Télémaque,
Sont toujours là, devant ses yeux,
Quittant de Calypso la grotte parfumée,
Seul, au bord de la mer, le héros va s’asseoir,
La, dans un morne désespoir,
L’âme d'un noir chagrin lentement consumée,
Il regarde les flots, il pleure. Et chaque soir,
Quand il lui faut quitter la plage accoutumée,
« Que ne puis-je, dit-il, oh ! que ne puis-je voir
De mon toit dans les airs s’élever la fumée !
Que ne puis-je de loin voir Ithaque....et mourir !
Oui, quels que soient les maux que contre lui prépare
Du dieu de l’Océan la vengeance barbare,.
Ulysse est prêt à tout souffrir ;
En revoyant Ithaque il consent à mourir. »
Tels étaient ses discours ; mais quand la destinée,
Après vingt ans d’absence, amène la journée,
On le vaisseau d’Alcinoos
Le dépose endormi dans son île chérie,
Il s’éveille,.. il regarde... il ne reconnaît plus
Les rochers, ni les bois de sa douce patrie ;
Il se lamente, il se récrie,
Et se croit transporté sur des bords inconnus.

Livre I, Fable 21, 1856




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