Le Cuisinier et ses Chiens Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Brifaut dit à Médor : « Viens ce soir au logis.
Nous régalons quelques amis.
Sois des nôtres, voisin ; tu feras bonne chère.
J'en réponds ; au marché j'ai vu la cuisinière.
Ce sont poulets, canards, dindonneaux, ortolans...
Et tout sera soigné ! Tu m’entends bien, compère ;
De Jeanne on connait les talents. »
Médor promet bien vite, et, sage,
Il n’a garde chez lui de toucher au potage,
Pour ménager son appétit.
Il vole au rendez-vous sitôt que vient la nuit.
Brifaut l’introduit à l'office.
« Entrez, lui dit-il poliment.
Des chiens et des valets voici l'appartement.
Nous serons tôt servis. Couchez-vous, et vous, lice,
Un peu de place à notre ami.
Sentez-vous ce parfum ? Hé! vous ai-je menti ?
Nous allons en croquer ! Vos dents sont-elles bonnes ?... »
Comme il fait à son hôte admirer le rôti,
Un Marmiton les voit. « Oh! dit-il, trois personnes !
Qui donc est celui-là ? » Brifaut déconcerté,
« C'est... dit-il, un... voisin que j'avais invité, —
Invité ! La ! fort bien ! C’est procéder en maitre.
Va, va chercher encor tous les chiens du pays.
Ils apprendront à me connaître.
Je fais grand cas de tes amis. »
Il dit, et de frapper. En poussant les hauts cris,
Le convié sauta par la fenêtre.

De certains protecteurs crains la protection.
De bons lieux, où souvent à peine on les supporte,
A deux battants ils t'ouvriront la porte :
Mais tel introducteur, telle réception.

Livre VI, fable 2




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