Mercure et le Statuaire Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Les Dieux, les Rois nous méprisent peut-être,
Mais de nous plaire ils sont pourtant jaloux.
Mercure un jour voulut, dit-on, connaître
En quelle estime ii était parmi nous.
Il part, il vole, et, changeant de figure,
Aux murs d’Athène arrive en voyageur.
Il aperçoit l'atelier d’un sculpteur.
« Allons, dit-il, y chercher aventure. »
Un faux Olympe, assemblé dans ce lieu,
Du véritable offre a ses yeux l'image.
D’un vil mortel il admire l’ouvrage.
Il dit enfin : « Combien vends-tu ce Dieu ? —
Ce Jupiter ? Deux talents. — Tu yeux rire.
La ! Deux talents ! — Fort bien. — Mais c’est trop cher. —
Trouvez à moins un pareil Jupiter ! —
Cette Junon, ami, veux-tu m’en dire
Le juste prix ? — Vingt mines. — Quoi, Junon !
C’est trop vraiment ; nous la prendrons de cire.
Et... ce Mercure, est-il bien cher ? —Oh ! non.
Donnez, sans plus, la valeur de la pierre.
Vous la voyez couverte de poussière :
Depuis longtemps on n’en demande plus.
Prenez ceux-là, s'il vous plaît de conclure,
Et par-dessus je donnerai Mercure. »
Mercure au ciel retourna bien confus.

L’incognito parfois est un peu traître.
Aux mots flatteurs trouvez-vous du plaisir ?
Otez le masque, et faites-vous connaître ;
La politesse est là pour vous servir.
Ce bon Mercure et sa déconvenue
Mont rappelé maints auteurs sur les quais
Trouvant leur œuvre, au public inconnue,
Sous l’écriteau qui annonce au rabais.

Livre VI, fable 1




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