Pour une faute assez légère
Chassés du céleste séjour,
Apollon et Mercure, un jour,
Vinrent forcément sur la terre.
Mais, pour ne point mourir de faim,
Et poursuivis par l'indigence,
Ils cherchèrent dans leur science
Les moyens d'adoucir les rigueurs du destin.
Ils élevèrent donc, sur la place publique,
Un beau théâtre, invitant les passants,
A s'approcher de leur boutique,
Comme, à peu près, font tous les charlatans.
Venez, leur disaient-ils, venez, messieurs et dames,
Enfants, vieillards, accourez tous :
Nous pouvons présenter, aux hommes comme aux femmes
marchandises selon leurs goûts.
Même au bien de la république
Sacrifiant notre propre intérêt,
Nous la livrons pour la somme modique
De dix sols seulement ; à dix sols le paquet !
Allons, venez, achetez vite,
Ou plutôt recevez, car nous ne vendons pas.
Mais vainement l'un d'eux s'agite,
Son fonds lui reste sur les bras :
Apollon, de sa marchandise,
Ne put trouver aucun débit...
Il ne vendait que de l'esprit,
Et chacun croyait bien en avoir à sa guise.
En revanche, Mercure eut des succès brillans,
Et sans peine on pourra le croire,
N'offrant à tous que la mémoire,
Il fut accablé de chalans.
Sur sa mémoire chacun glose ;
Chacun s'en plaint fort librement.
Mais pour l'esprit, Oh ! c'est tout autre chose :
Du sien toujours on est content.