La Femme, son Mari et la Mort Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Sous le poids de ses maux un mari succombait :
Sa maladie était mortelle ;
Et sa femme encor jeune et belle
Très vivement se lamentait :
« Mort barbare, s'écriait-elle,
Auras-tu bien la cruauté
D'enlèver un époux si cher, si regretté,
A l'épouse la plus fidèle ?
Ah ! si les destins en courroux
Veulent une victime, arrête,
Frappe, frappe-moi, je suis prête,
Heureuse de sauver les jours de mon époux. »
La mort à sa plainte accourue,
Elle lui dit alors, le cœur rempli d'effroi :
« O mort ! ce n'était pas pour moi,
Qu'avec tant de ferveur j'implorais ta venue,
Mais bien pour la victime en ce lit étendue ;
Prends-la vite et retire-toi. »

Ne croyez pas toujours à ce vain étalage,
De cris, de gestes, de douleur ;
Les chagrins vrais, ceux qui partent du cœur,
Ont bien un tout autre langage.

Livre II, fable 11




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