Il était une fois une méchante femme...
(Elles sont rares, j'en conviens,
Mais on en trouve en cherchant bien.)
Son époux au contraire était une bonne âme,
De ces hommes qui semblent nés
Tout exprès pour être en ménage,
Ennemis du bruit, du tapage,
Et que l'on mène par le nez.
Sa Xantippe au logis régnait donc en maîtresse,
Ou, pour dire mieux, en tyran ;
Quand, lui, montrait cette humble et docile souplesse,
Si naturelle au dos d'un courtisan.
Sentant sa dignité de mari compromise,
Parfois il essayait de faire le rétif ;
Mais un regard, un mot, un seul geste un peu vif
Le ramenait à son humeur soumise.
Or il s'avise, un jour, de prendre un trop haut ton,
Et fait d'une simple dispute,
Le diable aidant, une effroyable lutte ;
Car la femme prend un bâton,
Et, dans la fureur qui l'égare,
Frappe, frappe, sans dire gare,
Sur les reins du pauvre mouton ;
Qui, lui, pour garantir sa tête,
Se courbe, se fait tout petit,
Et, voyant grossir la tempête,
Sous le lit enfin se blottit.
-Sors de là, sors, gueux, gredin, traître,
Dit la mégère, en agitant les bras !
- Non, non, je ne sortirai pas,
Je veux prouver que je suis maître.
Comme moi vous pouvez connaître
De prétendus indépendants
Qui tâchent de faire les braves,
Et qui, malgré leurs airs fendants,
Ne sont que de pauvres esclaves.