Deux Billets à l'envi vantant leur destinée,
De leur prix disputaient entre eux.
L'un qu'avait signé l'Hyménée,
De l'étroite union de deux cœurs amoureux
Annonçait l'heureuse journée.
Et l'autre qui portait le cachet d'Atropos,
Du convoi d'un mortel reçu dans l'Elysée
Fixait la pompe peu sensée,
Et demandait aux gens des vœux pour son repos.
Le premier se donnait fièrement l'avantage.
Il charmait deux amans qu'il allait rendre heureux ;
Il marquait l'instant précieux...
Où l'Hymen scellerait un si doux esclavage ;
Il allait assembler les plaisirs et les jeux.
Frère, de vos destins faites moins d'étalage,
Repartit le second : vous flattez deux amans,
Mais combien de rivaux rendez-vous mécontents !
De combien d'héritiers trompez-vous l'espérance !
Ce n'est pas tout ; l'Amour perd sa puissance,
Sitôt qu'Hymen dispense ses présents :
Laissez agir et l'Hymen et le Tems ;
(Tous deux savent livrer les cœurs à l'inconstance)
Vous verrez vos époux, d'abord indifférents,
Puis dégoûtés, puis à la haine en proie,
Attendre de moi seul la fin de leurs tourments.
Que de gens aujourd'hui me lisent avec joie !
La veuve du défunt, et nombre de galants ;
Ceux qui succèdent à ses places,
Et ceux qu'ombrageaient ses talents ;
Ceux qu'au retour engageaient quelques grâces
Que sa pitié leur fit en des tems malheureux ;
Ses héritiers valets, fils ou neveux,
Dont la douleur est peu sincère ;
Le curé, les plaideurs, l'huissier et le notaire,
Tous gens qui pilleront son bien à qui mieux mieux.
Vous voyez, mon ami, qu'on ne vous cède guère.
Mais pour vous confondre en deux mots ;
J'annonce un éternel repos,
Vous, une éternelle souffrance ;
Je désigne l'heureux moment
Qui de la vie achève le tourment,
Et vous, l'instant qui le commence.