Un Berger, ce n'était Corydon, ni Ţityre,
Ni tel autre nigaud du pastoral empire :
Celui-ci s'appellait tout simplement Pierrot,
Son chien Mâtin, et sa femme Margot ;
Il mangeait, buvait bien, et dormait mieux encore ;
Il ne chantait pas moins, mais Dieu fait sur quels tons !
Et si les noms trop doux de Zéphire et de Flore
Embellirent jamais ses burlesques chansons.
Ce manant appuyant sa mâchoire velue
Sur ses deux poings fermés qu'un bâton soutenait,
Contemplait un Rocher, dont l'aride sommet
Fuyait les yeux, fendait la nue.
A quoi bon cette masse-là,
Disait le galant en lui-même ?
Mon étonnement est extrême
Que pour rien Jupiter ait élevé cela.
S'il y croissait du moins quelque chose d'utile !
Mais point : ce n'est que fable, épines et cailloux.
La terre au loin gémit sous ce fardeau stérile.
C'était bien la peine, entre nous,
Que l'abord aux passants en fût si dissicile !
La foudre au même instant tombant sur le Rocher ;
Pierrot vit qu'après tout le Ciel fait peu de grâce
A ces colosses fiers qui semblent le toucher.
Vraiment, dit alors ce Berger,
Il vaut mieux dans le monde occuper moins de place,
Et servir aux besoins des gens.
Mortels ingrats, assis aux premiers rangs,
C'est vous que la foudre menace.