L'Ânon petit maître Jean-Louis Aubert (1731 - 1814)

Pour la première fois on menait au moulin
Un jeune Anon qui bégayait encore.
On avait peu chargé la petite pécore,
De peur qu'il ne restât au milieu du chemin.
Ne croyez pas qu'il prît ainsi la chose ;
Oh ! que nenni. Le drôle avait trop bonne dose
De cet amour fervent que chacun sent pour soi,
Et qui nous fait traiter le prochain de canaille.
Il crut qu'on avait peur de lui gâter la taille ;
Il le crut, et de bonne foi.

J'ai vu bien des Anons encor plus sots en France,
Que leur faiblesse même a rendus glorieux.
Il n'est pas jusqu'à l'ignorance,
Qui les deux bras croisés insultant la science,
Prétend être ici-bas l'enfant gâté des Dieux.

Livre I, fable 9




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