Un ânon folâtrait, courait sur la verdure,
Foulant d'un pied léger les gazons et les fleurs ;
Et sa vivacité, sa grâce, sa tournure,
En ajoutant encor un charme à sa figure,
Lui faisaient prodiguer mille éloges flatteurs.
Sa mère, près de là, de plaisir transportée,
S'applaudissait de le voir si parfait ;
Et de son cher bijou, follement entêtée,
Elle ne doutait point que, par l'amour domptée,
Chaque ânesse, pour lui, ne souffrît en secret.
Mais le temps, à l'ânon, fit sentir sa puissance ;
Il grandit, il perdit ces airs vifs et joyeux ;
Il devint âne enfin, et tout semblable à ceux
Auxquels il devait la naissance.
Pour un peu de finesse et quelques agrémens,
O mère ! ne crois point ton fils incomparable :
Avec l'âge, bien des enfants
Eprouvent même sort que l'âne de la fable.