L'Ânesse et la Cavale Étienne Fumars (1743 - 1806)

La mère d’un ânon jadis
A celle d’un poulain adressa ce langage :
« Ma voisine, plus j’envisage
La ressemblance de nos fils.
Plus je trouve qu’il m’est permis
D’en attendre à coup sûr leur commun avantage.
Nés et nourris tous deux dans le même bocage,
Tous deux mignons, tous deux jolis,
En un mot, tous deux du même âge,
II ne leur reste plus qu’à devenir amis.
Mon poupon, que voilà, peut être utile au vôtre,
Comme le vôtre au mien : je brûle de les voir
Partager leur plaisir du matin jusqu’au soir ;
S’instruire tour à tour, se corriger l’un l’autre.
Bref, il ne tiendra pas à mon consentement
Qu’au plus tôt, en faveur de leur avancement
Ils ne vivent, si bon vous semble,
Ainsi que vrais jumeaux ensemble.
— Ma voisine, cela ne presse nullement,
Répond la cavale sincère.
Quoi que vous m’en disiez, j’ai peine à convenir
Que pour leur bien commun il faille les unir :
Car tenez, quand je considère
Combien les jeunes gens savent mieux retenir
Le mal, que s’instruire à bien faire,
J’ai tout lieu de douter (soit dit sans vous déplaire)
Que jamais votre fils puisse apprendre à hennir ;
Et j’ai peur que le mien ne s’accoutume à braire.





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