Dans un pays rempli d'ânes et de chardons,
(Car la bienfaisante nature,
Où l'animal pullule, est prodigue des dons
Qui fervent à sa nourriture)
Le Bœuf un jour passant : Maîtres aliborons,
A quoi bon ménager, dit-il, tant de pâture !
Ce n'est le tout de vivre, il faut faire du gain :
Vendez du chardon au voisin.
Taupe on en vend outre mesurée ;
Chacun se fait marchand, et marchand de chardon,
Et l'on affame maint canton.
Le Bœuf à la cervelle sage
Ne l'avait pas de la forte entendu :
Le Bœuf n'avait pas prétendu
Qu'en faisant du chardon un lucratif usage,
A vivre à jeun le peuple fût tenu.
Qu'arriva-t-il de cet abus funeste ?
Que l'Etat par la fuite eut de l'argent de reste,
Et des membres de moins. O le rare pays
Où Plutus à sa fuite amène la famine,
Où les jours des gens font le prix
Par lequel on prétend racheter sa ruine !
Quelqu'un dira peut-être : Est-ce bien loin d'ici
Qu'on a fait un pareil mécompte ?
Oui, oui, bien loin : c'est au Mississipi.
Mais j'ai su que depuis on en avait eu honte

Livre I, fable 13




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