Le Passager, La Rose et le Chardon Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Mon Dieu ! de vos attraits vantez donc moins l'éclat,
Disait le Chardon à la Rose.
Vous flattez, j'en conviens, les yeux et l'odorat ;
Mais vos admirateurs, en vers ainsi qu'en prose,
Tous les jours ne disent-ils pas
Qu'aux rayons du matin éclose,
Vous perdez dès le soir vos fragiles appas ?
Moi, dont la tête est bigarrée
De mille agréables couleurs,
Je ne craignis jamais le souffle de Borée,
Et de l'hiver enfin je brave les rigueurs.
- Je ne vous porte point envie,
Répond la fille du printemps.
N'est-ce pas sur l'emploi du temps
Que se mesure notre vie ?
Vous bravez, dites-vous, l'hiver et les Autans :
Peut-on s'enorgueillir d'un si faible avantage ?
« As-tu bien vécu ? » dit le Sage ;
Il ne demande pas : « As-tu vécu longtemps ? »

Livre IV, fable 2




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