Ceinte d'une épine grossière,
Au milieu d'un épais buisson,
Telle qu'un timide enfançon,
Fleurissait rose printanière.
A peine le père du jour,
En suivant sa vaste carrière,
Pouvait d'un rayon de lumière
Eclairer son obscur séjour.
Dans cette demeure paisible,
Sous ce manteau sûr et léger,
Cette fleur croissait invisible,
Mais elle croissait sans danger....
Déjà son calice s'entr'ouvre,
Et, par le plus heureux destin,
L'œil, avec délice, découvre
La belle pourpre de son sein.
L'impatiente et jeune belle,
Fière de ses charmes naissans,
Veut montrer sa grâce nouvelle
Parmi les filles du printemps.
Ainsi s'exprime la simplette,
Maudissant l'utile gardien,
Qui, pour sa gloire, et pour son bien,
La fait vivre dans la retraite :
« Jouis de ma simplicité
Cruel, lui dit-elle, barbare,
Prive-moi, d'une main avare,
Des douceurs de la liberté.
Sous tes tristes lois asservie,
Je vois s'écouler, sans raison,
Au sein d'une horrible prison,
L'âge fortuné de la vie. »>
D'un ton plein de sévérité,
Tais-toi, tais-toi, lui dit l'épine,
Une humeur jalouse et chagrine
Te fait oublier ma bonté ?
Quand Phoebus, dans sa course errante,
Sèche, détruit l'herbe et la fleur,
Qui, par une ombre bienfaisante,
T'abrite contre son ardeur ?
Qui te garantis des outrages
Du bœuf pesant, du blanc mouton ?
Qui défend ton frêle bouton
Des aquilons et des orages ?
Pauvre folle, bénis plutôt
Ta douce et rustique demeure ;
Elle n'est pas encor, cette heure,
Qui viendra peut-être trop tôt !!
Que ne peux-tu savoir d'avance
Tous les malheurs, tous les revers,
Qui, dès-lors, du milieu des airs,
Viendront tromper ton espérance ! >>
Elle se tut ; mais cette fleur,
Plus imprudente encor que fière,
Contre l'épine hospitalière
Des vents invoque la fureur...
Hélas ! elle achevait à peine,
Qu'on vit venir presque soudain
Un villageois, le fer en main,
Des faux rejets mondant la plaine.
Et déjà la terrible faux,
Que dirige une main cruelle,
Va, de ce gardien si fidèle,
Couper les verts et frais rameaux.
Mais au lieu de verser des larmes
Sur le sort de son protecteur,
La coquette y trouve des charmes,
Et se repaît de sa douleur.
Enfin, il vient de disparaître ;
Le sort de la rose est changé,
Et le brillant soleil pénètre
Dans son sein de vert ombragé.
Alors la fleurette superbe,
Libre de tout empêchement,
Porte sur les fleurs et sur l'herbe
Un regard de contentement.
Zéphir caresse ses pétales,
Les oiseaux chantent ses attraits,
Et l'aube de rubis, d'opales,
Sème son feuillage si frais....
Mais hélas ! qu'elle est passagère,
L'heure qui flatte nos désirs,
Et que le moment des plaisirs
S'envole d'une aile légère !
Victime des feux du soleil,
Quand elle n'est qu'à peine éclose,
La pauvre et malheureuse rose,
Lors sent le prix d'un bon conseil.
Mais, c'en est fait, décolorée,
Sans vigueur et sans agrément,
Déjà sur la terre, éplorée,
La rose roule au gré des vents.
Ô vous innocentes fillettes,
Qui, sous l'aile de vos mamans,
Toujours prudentes et discrètes,
Vivez sans soucis, sans ainans.
Si ces entraves nécessaires
Sont douloureuses à vos cœurs,
Lisez ma Rose, et ses malheurs,
Et vos peines seront légères.