Loin de tous les regards, dans le coin d'un jardin
Fleurissait, sans danger, une rose nouvelle ;
Toutefois son réduit n'était si clandestin
Qu'elle ne pût bien voir une rose comme elle,
Eclatante d'attraits, se croyant la plus belle
De tout un parterre voisin.
Fière de son heureux destin,
Et de cette beauté, qu'un instant peut détruire,
Celle-ci souriait à ce folâtre essaim
De papillons légers venus pour la séduire
Et puis l'abandonner soudain...
La rose, en un coin retirée,
Oubliant tout le prix de sa sécurité,
Et s'affligeant de rester ignorée,
Maudissait en secret sa douce obscurité.
Quand un vieux limaçon, rempli d'expérience,
Et qui, dans cet aimable et paisible séjour,
S'était, depuis longtemps, établi sans retour,
Lui fit, de ses chagrins, sentir l'inconséquence.
« Tout semble, j'en conviens, favoriser les vœux,
Lui dit-il, de votre voisine ;
Le soleil lui sourit ; sa couleur purpurine
Et charme et ravit tous les yeux.
De papillons, une troupe volage,
Lui forme un cortège nombreux ;
Et chacun à l'envi lui présente l'hommage
De ses désirs et de ses feux.
Mais ces brillants succès auront peu de durée !
Déjà l'astre du jour affaiblit ses couleurs ;
Elle n'a plus l'éclat dont elle était parée,
Et ses jeunes amans prisent moins ses faveurs.
Qu'entre vous deuxje vois de différence !
Votre tranquillité conserve vos attraits ;
Et vous ne craignez point, sous cet ombrage frais,
D'un soleil trop ardent la brûlante influence.
Cessez donc de vous affliger
Et de porter envie au sort d'une coquette ;
Le monde n'offre, hélas ! qu'un plaisir passager :
Le bonheur est dans la retraite. »