Un Roi et ses Courtisans Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Diodore l'Argirien,
Dans sa belle et savante histoire,
Dit qu'un monarque éthyopien
Perdit un œil, en poursuivant la gloire :
Un adroit soldat ennemi
Lui lança dans l'œil une flèche,
Et près de son front, cette brèche
Fit qu'il ne vit plus qu'à demi.
Certes, ce fait n'est pas unique ;
Mais ce qui paraît surprenant,
C'est que ce mal, au même instant,
Devint un mal épidémique.
Dès lors des courtisans nombreux
Résolurent avec prestesse,
Et pour complaire à sa hautesse,
De se crever l'un de leurs yeux.
Tel même que la seule vue,
D'un glaive ou d'une dague nue,
Eût, dans tout autre temps, fait mourir de frayeur,
Offrit, sans sourciller, une tête chenue
Au fer du docte opérateur.

À la cour, où tout se déguise
La chose n'a rien de nouveau ;
Et de nos jours encor on voit la couardise,
Du courage souvent emprunter le manteau.

Livre III, fable 8




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