Un chien maigre, pelé, souffrant et misérable, ped
Contre tous les effets d'un hiver rigoureux
Cherchait un abri secourable,
Mais vainement, le sort s'opposait à ses vœux ;
Pourtant le vent du nord soufflait avec furie.
Voyant donc qu'en plein air il passait chaque nuit,
Il se réfugia dans un petit réduit,
Où régnait un peu moins et faisait moins de bruit
Le fougueux amant d'Orithie.
Là ne négligeant rien pour garantir sa peau,
Il se fit très-petit, se roula sur lui-même,
Et de plus sous sa cuisse, avec un soin extrême,
Il cacha son triste museau.
Ne dormant point, il songea que, plus sage,
Il aurait pu • dans la belle saison,
Avec l'herbe des champs, la terre et le feuillage,
Se procurer une maison.
Je ne saurais dans ce moment le faire,
Dit-il, mais au printemps je m'en occuperai,
Et sitôt que les fleurs embelliront la terre,
Le ciel m'aidant, j'y songerai.
C'est un point résolu : la chose ainsi remise,
Le pauvre hère s'assoupit ;
Bien que plus d'une fois la bise,
Son court sommeil interrompit.
Levé longtemps avant l'aurore,
Le corps froissé, dévoré de chagrin,
A grand peine put-il, aller chercher encore,
De quoi calmer sa dévorante faim.
Ainsi traînant sa pénible existence,
Ce malheureux atteignit le printemps...
L'été déjà, par sa présence,
Appelait chaque jour les moissonneurs aux champs ;
Déjà même, pleins d'espérance,
Les vendangeurs joyeux entonnaient quelques chants
Lorsqu'il se remit en mémoire
Ses projets de l'hiver, ses affreuses douleurs,
Le froid et toutes ses rigueurs,
Bref, sa très-lamentable histoire.
Ah ! que puis-je aujourd'hui, dit notre paresseux ?
La chaleur est insupportable,
Elle me tue, elle m'accable ;
Dormons, nous ferons beaucoup mieux.
D'ailleurs, sans nul apprentissage,
On ne fait point un logement !
Pour entreprendre un tel ouvrage,
Il faut plus que je n'ai de force et de talent.
Puis, qui ne sait, et par expérience,
Qu'un doux hiver toujours suit un hiver affreux,
Et je serai bien bon de m'alarmer d'avance
Pour un mal tout au plus douteux.
Il dit, et d'un sommeil paisible,
Tout doucement il s'endormit....
Mais l'hiver reparut : il fut dur et terrible ;
Et de froid notre chien périt.

Du paresseux tel est le caractère ;
Il remet tout au lendemain ;
Et poursuivant toujours une erreur mensongère,
De ses projets jamais il n'aperçoit la fin.

Livre III, fable 9




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