Un jeune chien de chasse, agile et plein d'adresse,
Prit un jour un levreau. L'animal, tout joyeux,
Admire son gibier, le dévore des yeux,
Mais ne le mange point, quoique la faim le presse ;
Car d'un pareil début il est si glorieux,
Qu'il veut d'abord en faire un pompeux étalage
A deux dogues logés dans un prochain village.
Il part ; en un clin d'œil il est rendu chez eux :
Voyez, voyez, amis, combien je suis heureux !
Ceux-ci, sans complimens, se jettent sur la proie.
Grand merci, dirent-ils ; c'est le ciel qui t'envoie,
Étonné de ce coup, et réduit aux abois,
L'étourdi reconnut toute son imprudence,
Et dit : Dorénavant, quand j'aurai bonne chance,
Je n'irai plus montrer le fruit de mes exploits.