On te donne céans sur moi la préférence,
Au chien disait un jour le chat en murmurant ;
Pourquoi faire entre nous la moindre différence ?
Notre maître, à coup sûr, agit injustement.
Je veux qu'avec raison tu sois nommé Fidèle :
Je ferai, s'il le faut, l'éloge de ton zèle.
Mais tu sais que sans moi les souris et les rats
Causeraient au logis de terribles dégâts ;
Nuit et jour méditant quelques nouvelles feintes,
A ces êtres rongeurs je porte mille atteintes,
Et je suis regardé d'un œil indifférent,
Tandis qu'on est pour toi si doux, si complaisant.
Tu n'es pas, dit le chien, d'une humeur belle et bonne,
Car ta grifse jamais ne respecta personne.
Partant je suis d'avis que c'est te plaindre à tort ;
Tu sers bien, j'y consens, chacun en est d'accord :
Qui remplit son devoir est sans doute estimable ;
Mais pour se faire aimer, il faut qu'on soit aimable.
Dans le monde parfois on rencontre des gens
Dont on peut estimer les utiles talents,
Mais qui, montrant partout un malin caractère,
Avec tous leurs talents ont celui de déplaire.

Livre I, fable 4




Commentaires