Le Chardonneret Jean-Louis Aubert (1731 - 1814)

Un Chardonneret jeune et beau,
Leste, brillant, adroit, mais un peu trop volage,
Fut esclave dès le berceau.
Une Belle au printemps de l'âge
Était folle de cet oiseau.
Il n'en aimait pas plus la cage.
Il demandait pour quels forfaits
On l'avait chargé d'une chaîne ?
Et pourquoi dans deux seaux qu'on suspendit exprès
Il fallait, achetant ses repas de sa peine,
Que lui, Chardonneret, puisât soir et matin ?
Tandis que l'oiseau du voisin,
Un Pinçon, disait-il, qui ne le valait guère,
Exempt de tout travail, libre de tout lien,
Mangeait sans le gagner, et se donnait carrière
Dans un logis plus vaste que le sien.
Il ne demandait pas liberté toute entière
Mais qu'on adoucît sa prison.
On le fit ; on brisa cette chaîne cruelle ;
En un brillant palais on changea sa maison.
De joie il composa sur l'heure une chanson :
On n'en fit jamais de si belle !
Le voilà comme le Pinçon,
'Allant, venant, fautant de bâton en bâton,
Pour ses repas n'ayant qu'à prendre.
Il n'y fut pas deux jours qu'il ne put se défendre
De désirer d'être plus libre encor.
Si je pouvais prendre l'essor !
Pourquoi n'a-t-on pas fait cette cage plus haute ?
Moineaux qui fendez l'air, que vous êtes heureux !
Je voudrais voyager comme eux :
Content, à la maison je reviendrais sans faute.
Il perdit cette fois son temps.

Les vœux de cet oiseau sont ceux de bien des gens.

Livre II, fable 9




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