Un Singe que Pongo l'on nomme,
Dont l'intelligence surprend,
Et qui n'est pourtant seulement
Qu'un peu plus que Singe et moins qu'homme,
Fit grand bruit autrefois dans notre continent.
Il ornait la ménagerie
D'un Roi qui, quand il était las
Des Courtisans, dirigeait là ses pas
Pour s'amuser d'une autre singerie.
Or, voici le portrait de ce Singe étonnant :
De longs bras, un grand corps, figure presque humaine,
Et comme nous se soutenant
Sur deux pieds sans aucune peine ;
A table, comme nous, mangeant, et découpant
Dans de l'argent ou de la porcelaine ;
De la serviette s'essuyant,
Remplissant lui-même son verre,
Et les convives saluant
Sans répandre une goutte à terre.
Chacun criait miracle en le considérant.
C'en fut assez ; les gens de son espèce
Voulurent tous en faire autant.
Tout Sapajou, pour peu qu'il eût d'adresse,
Quoiqu'en s'y prenant gauchement
Crut l'égaler par le talent.
Un point sans plus, leur ôtait l'avantage
De ressembler à l'homme autant que lui ;
C'était la taille et l'air du personnage.
Que firent nos magots ? Ce qu'on fait aujourd'hui :
A l'animal ils s'attachèrent,
Et sur ses épaules grimpèrent,
Croyant par cette ruse aux yeux des regardants
Se rendre et plus beaux et plus grands ;
Mais les regardants les huèrent.
Autant en est de vous, Singes de notre tems,
Ecrivains dont la taille est à peine aperçue,
Et qui, pour être plus en vue,
Grimpez sur tel ou tel. Il suffit, je m'entends.