O que, si je voulais, je citerais sans peine
Maint autre sot, maint autre extravagant !
Mais dans le monde il en est tant,
Qu'il faut choisir, pour ne point perdre haleine.

Un homme qui voulait triompher de ses sens,
Et qui n'était encor qu'à son apprentissage ›
Chez certain Philosophe, ou plutôt chez un Sage,
(car ces termes font différents,)
Se plaignait de tenter des efforts impuissants
Pour atteindre au fang- froid d'un grave personnage.
Les cerveaux éventés faisaient tourner le sien.
Si quelqu'un devant lui ne raisonnait pas bien
Un feu séditieux s'allumait dans ses veines ;
Il ne pouvait souffrir cet absurde entretien,
Et formait mille plaintes vaines
D'entendre des discours qui ne signifiaient rien.
Il faut, lui dit le Sage, ou fuir dans la retraite,
Ou ne vous point choquer d'ouïr de tels propos :
Tous les visages font-ils beaux ?
Toute raison aussi peut-elle être parfaite ?
Vous ne prétendez pas corriger un boiteux ;
Sa marche est loin, je crois, d'exciter votre haine :
Un esprit de travers se redresse-t-il mieux,
Et doit-il causer plus de peine ?
Des dons qu'ils vous ont faits remerciez les Dieux.
Ils ne vous ont doué d'une raison plus faine,
Que pour offrir vos foins à ces gens moins heureux,
Et non pour déployer un vain courroux contre eux.
Si leur raison fuyant l'appui de la sagesse
De se fortifier ne donne aucun espoir ;
Vous avez acquitté votre premier devoir :
Il en est un second, supportez leur faiblesse.

Livre II, fable 7




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