Sorti vainqueur de cent combats,
Et fier d'avoir porté le deuil et les alarmes
Jusques aux plus lointains climats,
Un nouveau Tamerlan visitait les états
Soumis au pouvair de ses armes.
Un Sage, par hasard, accompagnait ses pas.
Ce Sage ne le flattait pas ;
Mais on vantait partout son talent oratoire,
Et l'adroit Conquérant l'admettait à sa cour,
Espérant le charger un jour
Du soin d'écrire son histoire.
Épuisés de fatigue, ils arrivent tous deux
Au sommet d'un roc sourcilleux,
Où le Tartare enfin s'arrête,
Jaloux de contempler sa dernière conquête.
C'était jadis une vaste cité,
Qu'embellissaient les arts, enfants de l'opulence ;
Mais, en proie au pillage, à la rapacité,
Ce n'était plus alors qu'une ruine immense.
Le Sage, à cet aspect, se sent glacé d'horreur.
Regarde, lui dit le vainqueur :
C'est là que j'ai livré dix assauts, vingt batailles ;
Là que les ennemis surpris
M'ont abandonné ces murailles ;
Ici que, par milliers, des soldats aguerris
Ont rencontré leurs funérailles...
Quels beaux titres de gloire ! ils sont partout écrits.
-Ah ! lui répond le Sage, osez-vous bien le croire ?
Non, je ne vois autour de ces remparts
Que cendres, que débris, et qu'ossements épars :
Vainement j'y cherche la gloire.