Dans les montagnes du Pérou
(Un voyageur très- véridique
M'a raconté le fait), naguère un sapajou,
Vieux, perclus et paralytique,
Se tenait tristement courbé
Au pied d'un arbre magnifique,
Vivant de quelque fruit tombé.
Un autre sapajou, dans toute sa jeunesse,
Sur cet arbre grimpé, choisissait, d'un œil sûr,
Parmi les fruits nombreux le plus beau, le plus mûr.
« Cet arbre est de mauvaise espèce,
Disait, en grommelant, le mangeur rabougri ;
Tout ce qu'il porte est véreux et pourri.
Le convive d'en haut lui répondit : Confrère,
Si vous étiez ici, vous diriez le contraire,
Et vous jugez notre arbre avec sévérité.
Est-il donc besoin de vous dire
Que le fruit qui tombe est le pire ;
Que le meilleur aux vents a résisté ?
Ah ! je plains une humeur, dont vos maux sont la cause ;
On est bien malheureux lorsque l'on est porté
A voir ici-bas toute chose,
Ainsi que vous, par son mauvais côté. »