L'Aigle et le Poulet Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Pour sa royale couvée
Espérant un sort heureux,
Sur une roche élevée
L'aigle avait pondu deux œufs.
Le noble oiseau ne fut guère
Par Jupiter protégé,
L'un des œufs tomba de l'aire,
Et l'autre au nid fut changé.
En l'absence de la mère
Unjeune pâtre, un vacher,
Parvient à le dénicher,
Et le maître espiègle place
Un oeufde poule à la place ;
Affrontant, le jeune fou,
Maint danger, maint précipice
Qui peut lui rompre le cou,
Pour faire cette malice.
L'aigle succède au vaurien
Et ne s'aperçoit de rien ;
Bref, au bout d'une quinzaine
Notre poulet vient à bien.
Quand il eut un mois à peine,
Le père disait tout bas :

« Quelle chose singulière !
Mon fils ne ressemble pas
A moi, non plus qu'à sa mère ;
Il est petit, faible et laid. »

Mais il est dans la nature
D'aimer sa progéniture,
Et le bon père ajoutait :

« De sa race le courage
Du moins sera son partage,
Car bon sang ne peut mentir. »

Sa tendre enfance écoulée :
« Jeune aiglon, prends ta volée,
Dit le père, il faut partir. »

Mais c'est en vain qu'il ordonne,
Le poulet tremble et frissonne.
« Digne oiseau de Jupiter,
Mon fils, lance-toi dans l'air ;
A différer qui t'oblige ?
- Ah ! mon père, je le sens,
La peur a glacé mes sens,
Et me donne le vertige.
- Dieux ! » dit le père irrité,
Ta forme ignoble et petite,
Ton plumage hétéroclite,
Rien ne m'avait rebuté ;
Mais quoi ! de la lâcheté !
Le fils de l'aigle, te dis-je,
Ne peut avoir ce défaut ;
Non, non, plutôt, s'il le faut,
Meurs, mon fils : noblesse oblige. »

Envoi

Arthur, brillant rejeton
D'une illustre et noble tige,
Soutiens l'honneur de ton nom ;
Tu le dois : noblesse oblige.

Livre IV, fable 12




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