L'homme a besoin d'aimer ; un vieux célibataire,
A défaut d'un plus doux lien,
Se prend de passion pour son chat, pour son chien :
Malheur à qui vit solitaire !
Un ci-devant jeune homme était donc dans ce cas,
Et le chat et le chien ne lui suffisant pas,
Il mit dans son jardin, pour récréer sa vue,
Un écureuil avec une tortue.
Dans sa cylindrique prison
L'un sans cesse tourne et remue,
Et l'autre lentement promène sa maison,
L'écureuil insultait à la grave personne,
Disant : « Vous courez trop ; quels efforts imprudents !
Ne prenez pas le mors aux dents.
Combien, dites-le-moi, ma bonne,
Faites-vous de pas en huit jours !
J'avance plus que vous, toujours,
Sans m'agiter autant, » dit la dame choquée,
Et par l'écureuil provoquée.
Vous remuez beaucoup ; mais, tournant sur vos pas,
Vous marchez et n'avancez pas. »
Du prétendu progrès n'est-ce pas là l'emblême ?
Notre siècle, je suis enclin à le penser,
Se donne un mouvement extrême,
Et pourrait bien aussi marcher sans avancer.