Par un même et commun destin
Réunis dès leur plus jeune âge,
Élevés dans la même cage,
Un chardonneret, un serin,
Faisaient ensemble bon ménage,
Il arrivait bien quelquefois
Que du serin la brillante roulade
Étouffait de son camarade
Le modeste filet de voix ;
Mais celui- ci, doux et facile,
Sans se plaindre alors se taisait,
Et de fort bonne foi laissait
Libre carrière au chanteur plus habile.
Or, il advint qu'un beau matin,
En s'éveillant de compagnie,
Tous deux entendirent soudain
Une agréable mélodie,
Et virent la petite main
De leur jeune maîtresse Annette
Qui jouait de la serinette.
« Oh ! s'écrie, enchanté, notre chardonneret,
Quel est cet instrument magique ?
- Vraiment, à ce qu'il me paraît, »
Dit le serin, on veut t'apprendre la musique ;
Mais on y va perdre son temps,
Car ta petite voix et ta petite haleine
Auront, je pense, de la peine
A moduler de tels accents.
- J'en ai grand peur aussi ; cependant je vais faire
De mon mieux, » dit l'oiseau mignon,
Pour profiter de la leçon.
Vous êtes plus heureux, mon frère ;
Car il ne tient qu'à vous, avec cet instrument,
D'acquérir un bien beau talent.
- Ah ! reprit le serin, je ris de vous entendre :
Vous ne savez donc pas que Nature, en formant
Mon gosier flexible et brillant,
M'a dispensé de rien apprendre ?
Des leçons de chant, entre nous,
Peuvent être bonnes pour vous ;
Mais moi ! qu'ai-je à faire d'en prendre ? »
D'après cet entretien, on devine aisément
Que le chardonneret, docile aux soins d'Annette,
S'efforça d'imiter la douce serinette,
Tandis que son ami n'y pensa nullement.
Qu'advint-il ? Le premier, par un travail constant,
Perfectionna son ramage ;
L'accent en devint pur, doux, mesuré, touchant ;
Il chantait tout au long les Amours au village
Et la waltz de Robin des Bois,
Pendant que le serin, avec sa belle voix,
Ne savait pas un air, chantait sans goût, sans suite,
Importunait tout le logis,
Si bien que, pour en être quitte,
On l'exila dans un taudis.
Les dispositions qu'on tient de la nature,
A défaut de travail, sont parfois sans produits ;
Un sol moins bon, aidé par la culture,
Donne souvent de meilleurs fruits.