Le Serin et le Moineau

Charles-Simon Favart (1710 - 1792)


Dans les beaux jours de l’été ,
Un petit moineau volage,
Tout bouffi de vanité,
Insultoit à l’esclavage
D’un serin né dans la cage.
O charmante liberté!
Disoit-il en son ramage:
Au sein des airs je voyage;
Je dors couvert d’un feuillage,
Je folâtre sous l’ombrage.
Là, sur des grains je fourage ;
Ici , je trouve un rivage,
Où sur un sable argenté
L’eau coule en sa pureté;
J’y bois avec volupté.
Après ce grand étalage,
Il va d’un autre côté.
Le serin, en oiseau sage,
Ne l’avoit pas écouté.
L’hiver , tout change de face ;
La beauté des Cieux s’efface :
Rien dans les champs; l’eau se glace :
Aux oiseaux on fait la chasse.
Le moineau revint enfin ,
Transi, demi – mort de faim ,
Prier pour qu’on lui donne place
Dans la cage du serin.
En tout temps pleine de grain,
Le serin, à son tour , le fronde,
Et lui dit avec équité :
Gentil moineau, qui cours le monde,
Tu reviens bien gras de la ronde !
Vois , par ce qu’il t’en a coûté,
Qu’une liberté vagabonde
Vaut beaucoup moins, tout bien compté ,
Qu’une douce captivité.





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