Vive la Liberté ! Je viens d'ouvrir la cage
Où depuis longtemps je suis né,
Après tant de tristesse, il m'est enfin donné
De ne plus vivre en esclavage.
A moi les airs, à moi les cieux !
A moi ce soleil radieux,
Éclatant ; bienfaiteur de la nature entière !
A moi le bien si doux qui nous égale aux Dieux !
C'est ainsi qu'un Serin, posé sur ma gouttière,
Chante les vifs transports dont il est pénétré,
Lorsqu'un vieux Moineau franc, par hasard rencontré,
Lui dit : Modérez-vous, votre salut l'exige ;
Un excès peut vous perdre ; et si vous voulez bien
Imiter les oiseaux que la raison dirige,
Vous prendrez patience et ne brusquerez rien.
Pensez donc, mon ami, qu'avec votre paupière.
Faite à l'obscurité dans un appartement,
Vous ne pourrez du firmament
Soutenir tout lé jour la brillante lumière ;
Votre aile, qui jamais au loin ne vous porta,
Vous trahirait sans doute au cours d'un long voyage,
Et de la liberté dont le ciel vous dota,
Si vous voulez trop tôt saisir l'entier usage,
A tout perdre à la fois vous vous exposerez ;
Tandis qu'à l'état libre arrivant par degrés,
En essayant d'abord vos moyens sans secousse,
Vous vous verrez conduit, par une pente douce,
Au bonheur sans limite auquel vous aspirez
Le Serin, exalté depuis sa délivrance,
N'écouta nullement les avis du Moineau,
Se croyant passé maître en son état nouveau,
Au milieu des airs il s'élance.
Mais à trouver sa subsistance
Il était inhabile, et souffrit de la faim.
La liberté n'est pas du grain.
Tandis qu'il en cherchait, il vit un chat perfide
Au moment de le dévorer.
Plus loin, par un Milan sanguinaire et rapide,
Il faillit se voir déchirer.
Il s'enfuit néanmoins, mais avec tant de peine
Que, réduit au malheur de regretter la chaîne ;
Qu'il avait cru fuir désormais,
Il reprit, tout honteux, sa vie accoutumée,
Au sein de sa prison, qui sur lui fut fermée,
Et pour ne se rouvrir jamais.
Ce malheureux Serin, qu'en ma fable je cite,
A maint peuple pourrait enseigner, au besoin,
Que dans la liberté, si l'on veut aller loin,
Il ne faut pas aller trop vite.