Le Renard mendiant Jean-Louis Aubert (1731 - 1814)

Pour ses infirmités retiré du service,
Et ne pouvant gagner son pain,
Un Renard, autrefois soldat dans la milice,
Mendiait sur le grand chemin.
Il méritait les Invalides,
Mais, si je m'en souviens, ces peuples n'en ont pas.
Certains Renards chargés de lever les subsides,
Car il est de ces gens dans les moindres États,
Dès qu'il avait reçu quelqu'aumône légère,
Venaient lui demander la part du Souverain.
Eh ! Messieurs, disait-il, respectez ma misère.
Pour le Roi qu'est-ce qu'un tel gain ?
C'est tout pour moi. Je dois à d'honnêtes personnes
Cette modique charité :
Hélas ! ces gens ont-ils compté
Que la moitié de leurs aumônes
Fût pour aider sa Majesté ?
Ce discours trop sensé pour n'être pas un crime,
Au Monarque Renard fut par eux reporté.
Ces Receveurs font durs, et leur avidité
S'immole chaque jour quelque faible victime
Mais ceux- ci réussirent mal.
Le Monarque était bon : il manda l'animal,
Vit par ses propres yeux sa pauvreté, son âge,
Ses blessures encor, symbole du courage,
Laissa couler des pleurs qu'ignorent bien des Rois,
Secourut sa misère, et l'exempta des droits.

Rois, nous n'avons rendu vos grandeurs despotiques
Que pour marquer vos jours par cent bienfaits nouveaux ;
Semblables sur le trône à ces sources publiques,
Qu'on se plaît d'élever pour répandre leurs eaux.

Livre I, fable 5




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