Le Renard et la Fourmi Frédéric Rouveroy (1771 - 1850)

Maître Renard, des poules d'un fermier,
Assez souvent faisait son ordinaire,
Mais il vint tant au poulailler,
Que l'autre enfin découvrit le mystère.
Dès le soir même, un bon piége d'acier
Adroitement fut mis à l'ouverture
Par où se glissait le galant,
Lorsqu'il tentait sa nocturne aventure.
Cette fois-là, le renard fut prudent,
Il ne vint pas ; s'il avait été sage
Celle d'ensuite il en eût fait autant.
Or cette nuit le champêtre ménage
Maître et valets, tout le monde dormait.
Notre égrillard crut donc qu'à l'ordinaire
On pouvait s'approcher, mais l'engin l'attendait,
Engin dont à coup sûr il ne se doutait guère,
Car il alla bien doucement
Lui tendre un pied ; heureux qu'il n'y mit pas la tête !
C'eût été pis, la pauvre bête
S'en fut tirée un peu moins lestement.
Il se débat, la fermière s'éveille,
Appelle son mari, qui prête un peu l'oreille...
>> Il est à nous, Margot, il n'en sortira plus ;
Tu sais quand on est pris... qu'on est pris. » Là-dessus,
Notre homme se rendort. Pour se tirer d'affaire,
Le vieux routier délibérait.
Porter la dent à son jarret,
Était, tout combiné, ce qui restait à faire :
Il s'y résout, mais non pas sans regret !
Le danger presse, il se met à l'ouvrage,
Se pince de son mieux, puis desserre les dents,
Reprend haleine, et se mord davantage.
Il fait si bien qu'en assez peu d'instans
Le voilà libre enfin, et, grâce à son courage,
Sur ses trois pieds le garnement
Vers la forêt fuit encor lestement.
L'autre, qui croit tenir la bête scélérate,
Quand le jour vint fut bien surpris !
Il avait cru son renard pris,
Et n'en ramassa que la patte.

Trop tarder nuit, c'est une vérité.
Guerrier, homme de cour, de robe ou de finance,
Voulez-vous acquérir de la célébrité ?
A côté de l'intelligence
Faites marcher l'activité.

Livre II, fable 21




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