Sa hautesse le léopard
Et son grand vizir le renard
Un jour faisaient voyage ensemble.
Chemin faisant tous deux s'entretenaient :
Déjà depuis longtemps nos sires raisonnaient.
Lorsque le premier dit au second : il me semble
Qu'après avoir parlé de maint et maint objet,
Nous fronts à diadèmes
Pourrions bien aussi nous-mêmes
Un peu de l'entretien devenir le sujet.
Moi, par exemple,
Lorsque je me contemple,
De quelque orgueil je ne puis m'abstenir.
On ne peut en effet nier que la nature
N'ait pris un singulier plaisir
A répandre sur moi sans horne ni mesure,
Outre la force et la légèreté,
Tous les trésors de la beauté.
Admirez, je vous prie,
Un peu cette peau.
Avez-vous vu de votre vie
Rien de si beau ?
Que la surface en est joliment bigarrée !
Avec un art divin elle fut décorée.
De tous les animaux aucun, mon ami, non,
Ne peut être avec moi mis en comparaison.
11 est vrai, répondit le croqueur de volaille,
Vous êtes un phénix ; mais, entre nous soit dit,
Et nullement pour vous, la beauté sans l'esprit
Fut toujours rien qui vaille,
Heureusement
Vous n'êtes pas réduit à ce seul ornement.