Loin d'ici, vil brigand, méprisable animal ;
Pour oser m'aborder es-tu donc mon égal ?
Si tu n'ignorais pas la splendeur de ma race,
J'aurais déjà puni ta criminelle audace.
Connais donc ma noblesse ; elle date du temps
Que de Tellus les fiers et terribles enfants
Au maître du tonnerre
Osèrent déclarer la guerre.
Sans doute que tu sais que désertant les cieux
On vit alors toute la cour des dieux
Fuir et chercher en Egypte un asile.
L'un d'entr'eux dans les flancs du plus grand crocodile
Que le fleuve du Nil renfermât dans son sein
Se cacha pour tromper les fureurs du destin :
De ce reptile heureux je sors en droite ligne :
Fut-il jamais naissance plus insigne ?
Comment donc oses-tu t'associer à moi ?
Sans délai donc, te dis-je, éloigne-toi,
Sinon de l'un des dieux que l'Egypte révère
Tu vas sur l'heure éprouver la colère.
Ainsi parlait un jour à dom renard
Le monstrueux et cruel crocodile.
-Monsieur le grand lézard,
Lui répondit du ton le plus tranquille
L'Ulysse des forêts,
Je le confesse, j'ignorais
De votre majesté la très-haute origine ;
Mais la mienne n'est pas, je pense, moins divine.
Le dieu que jadis dans ses flancs
Recéla votre premier père
De Cybèle à coup sûr fut l'époux sanguinaire ;
Le mien alors logea le dieu des beaux talents.