Vous connaissez bien ce métal
Qui servant seul de poids au mérite des hommes,
Follement adoré par tous tant que nous sommes
Est le fléau le plus fatal
Dont le ciel puisse armer sa fureur vengeresse ;
Ce métal séduisant qui fait tant d'envieux ;
Que l'intérêt couve des yeux,
Au sein de la douce mollesse ;
Qui nourrissant notre fierté,
Donne aux laides de la beauté,
Aux roturiers de la noblesse,
Aux méchants de la probité ;
Que chacun veut ravir par force ou par adresse ;
Qu'on appelle Or enfin, nom cher et précieux.
Un jour il prit envie aux Dieux
D'en rassasier notre espéce.
Écoutez, dit Jupin au Dieu de la richesse,
Quel bruit causent là-bas vos dons mal répandus.
Le pauvre en demande sans cesse ;
Le riche en désire encor plus.
Il faut qu'une prompte largesse
Nous délivre une fois de leurs cris importuns..
Pour peu que l'on accorde aux uns,
Ils feront, disent- ils, contents du nécessaire.
Quand les autres verront encor
Telle somme achever d'arrondir leur trésor,
Ils n'auront plus de vœux à faire.
Au gré de leur envie il faut les satissaire.
Tandis que Diane et le Jour
Deux fois sur ces mortels brilleront tour-à- tour,
Plutus fera pleuvoir ce métal qu'ils désirent.
Ainsi dit Jupiter. Tous les Dieux applaudirent :
Pallas feule se tut, et Plutus obéit.
Si chacun courut vite à la divine pluie,
Je le laisse à penser. Maint tonneau se remplit.
Plus de goutte pour lors, plus de paralysie.
Maint Hippocrate y vole, et son malade fuit.
Mainte vieille est à l'agonie
Que l'appétit de l'or au même instant guérit.
Jupiter se donnait alors la comédie.
Cette pluie en Pérous changea jusqu'aux hameaux :
On vit les ondes du Pactole
Se mêler, en grondant, au limon des ruisseaux.
Plus d'une tête en devint folle.
Quand il eut plu le jour et puis le lendemain,
L'Olympe se, lassa de rire,
Et Plutus referma la main.
Chacun compte son or, le ressasse, l'admire.
Vous croiriez ces gens satisfaits
Au point de ne plus rien prétendre ;
N'ayant hier qu'à se baisser pour prendre,
Jouissant aujourd'hui par-delà leurs souhaits ;
Point du tout chaque jour ils vont encore attendre
Que Plutus de là-haut leur jette des ducats.
Nous en ferions autant ›
hélas ! n'en rions pas.

Livre I, fable 4




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