La Mère et la Mort Jean-Louis Aubert (1731 - 1814)

Réservez-vous, grands Dieux, ce prix à ma tendresse !
En proie à toutes les erreurs
Qu'embrasse imprudemment une aveugle jeunesse,
Aux dangereux plaisirs s'abandonnant sans cesse,
Hélas ! mon fils s'égare et perd le goût des mœurs !
Lui, dont avec plaisir j'ai cultivé l'enfance,
Cet arbre où brillaient tant de fleurs,
Quand j'en attends des fruits, trahit mon espérance !
Ah ! combien tes erreurs me coûtent de regrets !
Tu veux avancer ma carrière,
O mon fils ! la vertu pour toi n'a plus d'attraits ;
Et j'ai cessé de t'être chère !
Ainsi dans sa douleur amère,
Sur les égarements de son malheureux fils
S'exprimait une tendre mère.
D'autres peines encor ses chagrins font suivis.
A ce jeune emporté la volupté perfide
Fit enfin payer cher ses funestes présents.
Un poison apprêté par sa main parricide,
En un cercle de maux enchaîna tous ses sens.
La vieillesse barbare avec ses doigts pesants
Dans un corps tout usé produit moins de ravage.
Pour toucher au sombre rivage,
Il ne lui fallait plus qu'un pas.
A mon amour trahi qu'importe son trépas,
Disait la mère alors, sans paraître attendrie ?
Lui-même de ses mains à creusé son tombeau.
O Mort ! délivre-moi d'un éternel fléau ;
Fais qu'il ne trouble plus le bonheur de ma vie !
Comme elle dit ces mots, la Mort vient à grands pas ?
Par son cœur aussitôt sa bouche est démentie :
O Mort ! corrige-le, mais ne l'emporte pas !

Livre II, fable 16




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