Trois Cuisiniers, recherchés des gourmets,
Voulurent apprêter chacun le même mets.
Ils firent de leur mieux, et cela devait être ;
Car sur la table d'Apollon
Ce mets devait paraître.
Ce jour-là, notre dieu traitait tout l'Hélicon.
Les beaux-esprits, pour l'ordinaire,
Savent goûter la bonne chère ;
Nous pouvons l'avancer, sans être contredit ;
Ils l'ont assez prouvé par plus d'un bel écrit.
A l'unanimité le docte aréopage
A l'un des cuisiniers accorda son suffrage.
Voici pourquoi, dit Apollon :
Quoique le mets soit tout à fait le même,
Le goût vous dit, avec raison,
Que la différence est extrême.
C'est que de nos gens, l'un des trois
Pour la sauce est des plus adroits ;
Et dans les mets qu'il assaisonne,
Il s'y prend toujours de façon
Qu'il nous prouve, mieux que personne,
Que la sauce souvent vaut mieux que le poisson.

Entre ces trois ministres de la table,
Et trois auteurs d'un célèbre renom,
S'il fallait faire une comparaison,
Je citerais tout bonnement la fable
De la mort et du bûcheron.

Livre II, fable 68




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