Le moulin de Gaspard tournait au gré du vent.
Le moulin de son voisin Pierre
Tournait au gré de la rivière,
Et Pierre avec Gaspard ne trinquait pas souvent.
Si les souffles d'été se jouaient dans la plaine,
Et tarissaient mainte fontaine,
Leur protégé dans sa barbe riait,
Et, du voisin narguant la haine,
Son aile au vent se déployait.
Mais que la pluie à flots tombât d'un ciel tranquille,
Tout s'ébranlait chez Pierre, et Gaspard, a ce bruit,
Pestait le jour, pestait la nuit,
Essayant maint charme inutile.
Dans le vallon, sur le coteau,
De fiel on repaissait sa vie.
Méchants, laissez donc sans envie
Souffler la bise et tomber l'eau.
Ou voit-on que longtemps 1a fortune séjourne ?
‘Elle visite et fuit les rois,
Et tu veux, maraud, qu'elle tourne
La meule du moulin sans chémer quelquefois ?
A ceci que répond l'avare ?
« Tout pour moi ; le diable au voisin ! »
Cruel, à te punir l'ouragan se prépare.
Entends ! le ciel est juste enfin.
«Voici de gros vent, disait Pierre.
C'est de quoi briser tout chez le frère Gaspard. »
Tl riait ; mais il eut sa part.
Tant de pluie enfla la rivière,
Tant fit l'un et l'autre élément,
Que les deux moulins y passèrent.
Ce fut l'ouvrage d'un moment.
Les malheureux se rencontrèrent
Mendiant au même chemin,
Et, sages trop tard, ils pleurèrent.
On les vit se serrer la main.