Deux Glaneurs à pas rapides
Gagnaient le champ de Mathurin.
Ils s’étaient mis tard en chemin,
Et craignaient au logis de rentrer les mains vides.
D’autres Glaneurs plus diligents,
Chargés d’épis, les rencontrèrent,
Et demandèrent
Où donc allaient ces bonnes gens ?
« Vous venez trop tard. C’est dommage ;
Quand Mathurin moissonne, il laisse en bon chrétien
L’épi du pauvre, et l’on s’en trouve bien ;
Mais nous avons tout pris : rentrez donc au village. »
L’un des nouveaux venus dit à son compagnon :
« Mon frère, aller plus loin serait peine perdue.
Nous ne trouverions pas un fétu. Quel guignon !
Plus de gibier pour nous si la plaine est battue.
Retournons au logis. — Non, dit l’autre, il faut voir. »
Seul, à ces mots, il part, arrive, s’évertue,
Trouve un épi, puis deux, et fait tant que, le soir,
Chargé dune javelle il revient au manoir.

Sur la rive en palmes fertile,
Muse, tes derniers nourrissons,
Arrivés même après moissons,
Ne font pas voyage inutile.
Vous rendrez l'avenir jaloux,
Glaneurs dont le siècle s’honore,
Et toutefois il reste encore
Bien des épis même après vous.

Livre IV, fable 7




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