Les Oreilles de l'Âne Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Plus grave qu’un Caton, l’âne auprès d’un bocage
Passait silencieusement.
Une pie aux aguets s’y tenait constamment,
Et poursuivait les gens de son sot caquetage.
L’âne eut son tour. Maître baudet,
Dit-elle, où vas-tu donc, avec ton air coquet ?
Vraiment te voilà fait pour charmer les plus belles !
Pour être si gaillard, sais-tu donc les nouvelles ?
Sais-tu que Montfaucon te verra dans trois jours ?
Oh! que ton cuir fera d’admirables tambours!
Vois ces corbeaux voler : cet objet doit te plaire ;
Ils gagnent l’appétit que tu vas satisfaire.
Tu ne me réponds rien? N’entends-tu pas, l’ami?
De quoi te servent donc ces énormes oreilles?
Je n’en vis jamais de pareilles :
Va, tu n’es pas sot à demi.
L’âne enfin lui répond : Tu parles de sottise :
J’en ai ma dose, je le crois;
Mais, si tous les humains n’en avaient plus que moi,
Pour emblème des sots ta langue eût été prise.
On a choisi mes oreilles, dit-on ;
Honneur peu mérité, qui serait ton partage,
Si l’on croyait le vieux dicton :

Trop parler est d’un fou, bien écouter d’un sage.

Livre III, fable 5




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