Les Oreilles d'Âne Franz Hermann Lafermière (1737 - 1796)

D'un Roi des Phrygiens on fait le piteux cas.
Dans ces temps féconds en merveilles,
Pour avait préféré le chant de Marsyas
À celui d'Apollon, il lui vint deux oreilles,
Longues oreilles d'Ane, hélas!
Qu'à dérober aux yeux le pauvre Roi Midas,
Jour et nuit s'occupait avec un foin extrême.
Un faquin de Barbier (le Roi ne savait pas
Par malheur se rafer lui-même)
S'aperçoit un beau jour
De ce honteux mystère,
Le confie à la terre,
Qui le dit à son tour
Aux roseaux d'alentour :
Et c'est par leur organe
Qu'on apprend que Midas a des oreilles d'Ane,
Midas, le Roi Midas.

Ô vous qui que vous puissiez être,
Qui vous trouvez à peu près dans le cas
Des oreilles du Roi Midas,
Un Barbier, des roseaux peut-être
Ne vous trahiront pas ;
Mais si vous êtes Roi, gardez-vous bien de croire
Que la terre l'ignore ; elle en parle tout bas,
Et malgré vous l'histoire
Bientôt
En parlera tout haut.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre II, Fable XVIII




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