Un Dervis vint à Balk. Le Voyageur novice
Aperçoit un grand édifice,
Et croit que c'est un Caravanserail.
Après avait regardé le portail
Sans se douter de la méprise,
Et fait apporter sa valise,
Etendre un tapis, et sur de bons carreaux
Se disposait à prendre son repos,
Quand de soldats une troupe l'avise,
Et lui demande avec surprise
Ce qu'il prétendait faire avec cet attirail ?
Passer la nuit au Caravanferail,
Dit le Dervis. À ces mots on s'écrie :
Qu'il forte, et qu'il était un animal,
Qu'il était-là dans le Palais Royal,
Et non dans une Hôtellerie.
Le Roi, qui par hasard vint à passer par-là,
S'informa de la chose ; on la lui raconta.
Le Roi, riant de la méprise,
Dit au Dervis qu'il fallait à l'excès
Porter en effet la sottise
Pour n'avait pu distinguer un Palais
D'un Caravanserail. Puis-je, sans vous déplaire,
Seigneur, dit le Dervis, vous faire
Une ou deux questions ? De ce logis
Quels ont été les premiers maîtres ?
Le Roi répondit : mes ancêtres.
Et quel fut le dernier ? poursuivit le Dervis. -
Mon père. Et l'actuel ? -Moi. -Le suivant? Monfils.

Je n'ai donc pas commis de fautes,
Seigneur, une maison, qui, d'après ce détail,
Change ainsi de maîtres et d'hôtes,
Est bien moins un Palais qu'un Caravanferail.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre II, Fable XVII




Commentaires