L'Âne et le Boeuf Henry Macqueron (1851 - 1888)

Un Âne avec un Bœuf reposait à l'étable.
L’un rongeait un chardon par manière de jeu;
Des travaux du labour, du logis, de la table,
Son voisin se plaignait sur un ton lamentable.
Quand on n'a rien à faire, il faut se plaindre un peu.
« Ob! la fameuse idée, et qui fera merveilles!
Dit la bête aux longues oreilles.
Repos et bon temps tout le jour,
Pourquoi n’en prendre pas chacun à notre tour?
Quand pour cela, cher camarade,
Il suffirait d’être malade,
Ou de faire semblant, quand on a de l’esprit. »
L’idée à Gros-Beuglant ne parut pas mauvaise.
Il fit son compliment. L’Ane en frétillait d’atse.
Il voulut que le Bœuf edit le premier profit.
Le lendemain, quand vint le garçon de la ferme,
L’animal, sur sa paille étendu pesamment,
Respire avec un bruit profond; son œil se ferme;
Et pour son déjeuner, ne bougeant plus qu’un terme,
Tl ne vent rien absolument. |
Son mal parut exiger prompts remèdes.
Vite, accourez, Madame Faculté,
Sur son concours, hélas! on n’avait pas compte.
Saignée, onguents, sétons, tourments de tout côté,
L’Esculape des quadrupèdes
N’oublia rien, Le Bœuf en creva dans sa peau.
Celui-la mort, il faut que l'ouvrage se fasse.
L’Ane s’en aperçoit, car, malgré sa grimace,
On le mène au labour, travail pour lui nouveau,
Rude, et partant mal fait. Un valet, qui s’en fâche,
Lui tombe sur le dos, Voici le soir venu :
Vite donc, Monsieur l’Ane, allez, qu’on vous attache;
La charrette est chargée, et vous n’avez pas pu
Porter vos choux en ville à votre heure ordinaire.
Le travail est doublé; tachez de vous y faire.
Un mauvais conseil nuit.

Fable 65




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